Interview d’Erwan POIVET, membre de l’Unité Perception et Mémoire de l’Institut Pasteur
Erwan Poivet, Docteur en Biologie des Organismes, a rejoint début octobre grâce au mécénat du Fonds de Dotation Per Fumum, l’Unité Perception et Mémoire de l’Institut Pasteur de Paris dirigée par le Professeur Lledo. Cette équipe travaille notamment sur les atteintes neurologiques liées au virus responsable de la Covid-19, et en particulier au niveau du cortex olfactif.
Tout au long de sa carrière, ses recherches ont porté sur plusieurs problématiques en lien avec l’olfaction, en France et aux Etats-Unis. C’est donc sa maîtrise de différents mécanismes olfactifs innovants et sa connaissance d’une large variété de recherches fondamentales sur l’odorat que le Professeur Lledo s’est annexé en lui demandant de rejoindre le projet.
Dans l’intimité du laboratoire très confidentiel de l’Unité Perception et Mémoire de l’Institut Pasteur, Erwan Poivet nous répond :
Erwan, que pensez-vous apporter vraiment à l’équipe – projet, entouré de tous ces experts ?
Erwan Poivet : “De manière générale, la recherche est un sport individuel qui se joue en équipe ! Personnellement, je suis Docteur en Biologie des Organismes, et spécialiste de l’olfaction ; mais mes travaux de recherche ont toujours été à la frontière de plusieurs spécialités. J’ai donc l’habitude de communiquer avec des experts issus de disciplines très diverses (chimistes, biologistes, parfumeurs, et même historiens et philosophes !) qui ne parlent pas toujours le même langage, ou n’abordent pas les problèmes de la même façon.
Pourtant, la réussite d’un projet tient souvent de la bonne circulation de l’information. Donc en plus de mon expertise scientifique du système olfactif, j’apporte ma capacité à faire des ponts entre leurs spécialités.”
Que pouvez-vous nous dire des difficultés que vous rencontrez dans l’avancement du projet ?
E.P : “La situation actuelle liée à la pandémie de la COVID-19 est bien évidemment le premier frein ; mais indépendamment de cette crise, en recherche clinique il existe de nombreuses obligations préalables à toute recherche.
Il faut notamment que nos protocoles expérimentaux soient validés par un comité d’éthique avant de pouvoir être mis en place. Ceci est normal et important, afin de s’assurer que l’intérêt du patient soit protégé. En la matière, l’expérience des médecins du projet est un atout certain pour garantir en amont la validation de nos approches par ces comités éthiques.
Une fois cette validation obtenue, il y a trois difficultés à surmonter :
D’abord, d’un point de vue technique et scientifique, l’olfaction est historiquement moins étudiée que d’autres sens tels que l’audition ou la vision. Ce biais est également vrai dans les soins et suivis apportés au patient en réanimation.
Ensuite, les outils olfactifs existants ne sont pas développés pour des patients inconscients. Il nous faut donc adapter les outils disponibles ou développer nos propres outils et protocoles en conséquence, et cela peut prendre un certain temps. C’est l’inconvénient, mais aussi le charme d’être un pionnier. C’est aussi dans ce contexte que la pluridisciplinarité est un réel avantage.
Enfin, l’expertise du laboratoire en olfactométrie est développée pour le modèle animal de la souris, il nous faut donc adapter les outils pour l’Humain mais cela permet de trouver des solutions en termes de portabilité et de miniaturisation qui ne sont pas négligeables lorsqu’il s’agit de s’intégrer au matériel médical déjà présent en salle de réanimation par exemple.”
Quel est votre objectif ? Qu’est-ce qui, pour vous, sera un signe de réussite ?
E.P : “L’objectif premier du projet C.E.O.S est de développer un nouveau standard de diagnostic de l’état de conscience des patients en réanimation, à partir de l’analyse de leur capacité olfactive. C’est vraiment novateur. L’obtention d’une réponse olfactive exploitable chez les patients serait une première réussite. Être capable de relier cette réponse olfactive à un pronostic de réveil futur du patient serait un succès total.”
En quoi le mécénat du Fonds de Dotation Per Fumum a été important ? Qu’est-ce que cela a permis ?
E.P : “Ce mécénat est important à double titre : d’abord car il nous permet de travailler sur ce sens qu’est l’olfaction, un sens souvent délaissé par la science, et en plus, le Fond de Dotation Per Fumum nous permet également d’avoir accès à des parfumeurs pour échanger. Lors d’un précédent postdoctorat aux Etats-Unis, j’ai déjà eu la chance de collaborer avec des parfumeurs et je sais que leurs connaissances des composés odorants et de leur perception sont souvent complémentaires de nos connaissances scientifiques « classiques » sur le sujet.
C’est donc une rencontre précieuse qui s’est opérée avec le Fonds de Dotation Per Fumum et son président, le parfumeur Francis Kurkdjian.”