Fonds de Dotation Per Fumum : Pouvez-vous nous expliquer, en une phrase, votre projet d’implant olfactif pour les personnes souffrant d’anosmie persistante ?
Claire Martin : “L’objectif de notre projet est de concevoir un implant olfactif permettant aux personnes ayant perdu l’odorat, sans espoir de récupération médicamenteuse ou autre, de retrouver certaines sensations olfactives. Pour cela, nous devons valider un prototype sur des modèles animaux afin de démontrer la faisabilité d’un tel implant.”
FdD PF : Pourquoi avoir choisi la solution d’un implant olfactif pour traiter l’anosmie ? Comment cela fonctionne-t-il ?
C.M. : “Nous travaillons avec un médecin ORL spécialisé dans les implants cochléaires pour la réhabilitation de l’audition. L’idée est d’appliquer une approche similaire à l’odorat. Toutefois, le système olfactif est plus complexe que le système auditif. Le principal défi est de capter les odeurs, ce qui nécessite un détecteur, d’analyser le signal, puis de le transmettre au cerveau.”
FdD PF : Cet implant pourrait-il être efficace pour les personnes nées sans odorat ?
C.M. : “Aujourd’hui, nous ne savons pas si ce dispositif serait efficace pour elles. Certaines personnes nées sans odorat n’ont pas de bulbe olfactif, qui est la première zone du cerveau traitant les odeurs. De plus, pour les personnes n’ayant jamais eu d’odorat, la restitution pourrait être douloureuse, comme c’est parfois le cas pour les implants cochléaires chez les personnes sourdes de naissance. Notre cible actuelle est donc les personnes ayant perdu l’odorat à l’âge adulte.”
FdD PF : Quels sont les principaux défis à surmonter pour y parvenir ?
C.M. : “Le principal défi est lié à la technologie des capteurs olfactifs, qui doit être suffisamment rapide pour détecter et transmettre une odeur en temps réel. Si le capteur met plusieurs minutes à traiter une odeur, le signal ne sera plus pertinent. Nous devons donc perfectionner notre capteur pour qu’il réponde efficacement à nos besoins.”
FdD PF : Vous effectuez des tests sur la souris et la brebis. Pourquoi ces modèles animaux ?
C.M. : “Le système olfactif des brebis et des souris est très proche de celui de l’humain. Nous avons déjà une grande connaissance de leur codage olfactif, ce qui nous permet d’évaluer la faisabilité du dispositif avant une éventuelle application chez l’homme.”
FdD PF : À quel stade en êtes-vous actuellement et quels sont les premiers résultats des tests ?
C.M. : “Nous sommes en pleine construction de notre prototype. Nous avons avancé sur la stimulation cérébrale et la conception du capteur, bien que celui-ci ne soit pas encore optimal. Notre objectif pour 2025 est de tester l’implant en conditions réelles sur la brebis.”
FdD PF : Pouvez-vous nous parler des collaborations interdisciplinaires impliquées dans ce projet ?
C.M. : “Ce projet repose sur plusieurs expertises : un médecin ORL, une équipe spécialisée dans la muqueuse olfactive et la détection des odeurs, ainsi que notre équipe travaillant sur le signal cérébral. Nous collaborons également avec des ingénieurs développant des dispositifs adaptés à la stimulation cérébrale.”
FdD PF : Quel impact une telle avancée pourrait-elle avoir pour les millions de personnes souffrant d’anosmie permanente ?
C.M. : “Nous espérons proposer un implant capable de détecter certaines odeurs et de restituer un signal olfactif. L’objectif est qu’il soit le moins invasif possible et permette de restaurer des fonctions essentielles comme la détection des dangers et la reconnaissance des aliments. De plus, la stimulation du système olfactif pourrait avoir un impact positif sur le cerveau, notamment en lien avec des pathologies comme la dépression.”
FdD PF : Quelle est la place du Fonds de Dotation Per Fumum dans ce projet ?
C.M. : “Nous avons initialement reçu un financement de l’ANR, mais certaines étapes cruciales n’étaient pas couvertes. Le soutien du Fonds de Dotation Per Fumum nous permet d’affiner notre capteur et d’aller plus loin dans le développement de notre prototype.”