Interview d’Alice Camus Mignen, chercheuse et docteure en histoire

Les confidences d’Alice Camus Mignen sur la publication des actes du Colloque 2021 sur la figure du parfumeur, de la Renaissance à nos jours.

Alice Camus Mignen, vous êtes chercheuse et docteure en histoire. Avec Érika Wicky (professeur junior “Olfactions” à l’Université Grenoble Alpes) vous travaillez sur la publication des actes du Colloque d’octobre 2021 sur la figure du parfumeur. Cet ouvrage réunira douze travaux analysant différents aspects du métier de parfumeur, de manière à saisir l’évolution de cette figure depuis sa création à l’époque de la Renaissance.

Fonds de Dotation Per Fumum : Quelles sont vos motivations à publier l’ouvrage tiré des actes du colloque sur l’évolution de la figure du parfumeur qui s’est déroulé les 14 et 15 octobre 2021 ?

Alice Camus Mignen : « L’objectif principal est de pérenniser tout ce qui s’est dit lors du colloque. C’était un événement organisé sur deux journées et évidemment, tous ceux qui n’ont pas pu y accéder ne peuvent pas, malheureusement, avoir accès à toutes les interventions s’il n’y a pas d’édition. Donc la pérennisation est l’objectif principal. Il s’agit aussi d’améliorer le contenu. L’ouvrage offrira une version enrichie des interventions, intégrant les échanges survenus pendant le colloque ainsi que des discussions ultérieures entre les auteurs, Erika et moi-même. Nous leur avons demandé de préciser certains points et d’unifier leurs contributions. Les textes de l’ouvrage ne sont pas des copies conformes des interventions, mais des versions supplémentées. L’objectif est de pérenniser ces connaissances et de les inscrire durablement dans la recherche. En conservant cette mémoire, nous espérons que, dans plusieurs années, il sera possible de revenir sur l’ouvrage pour voir ce qui avait été dit. Nous souhaitons que cette trace soit utile aux chercheurs, aux scientifiques, et bien sûr, au public plus large intéressé par ce sujet. »

FdD Per Fumum : Comment avez-vous sélectionné les travaux ? Sur quels critères ?

A.CM : « D’abord, il y a eu une première sélection par un comité scientifique pour l’organisation du colloque en lui-même. Il était composé de sept personnes, en plus d’Érika et moi. Nous avons fait appel à ce comité pour la sélection des interventions. Elle a été faite en accord avec ce qui nous intéressait par rapport au sujet général de ces deux journées, et selon le sérieux scientifique des propositions. Ensuite, à l’issue du colloque, il y a quelques interventions que nous n’avons pas conservées. Certaines pour des raisons très pragmatiques. Par exemple, je sais qu’un auteur nous a informé qu’entre-temps, il avait publié ailleurs. Puis, d’autres ont été éliminées car nous trouvions que le texte n’était pas assez solide sur le plan scientifique, pas assez sourcé ou encore argumenté. Ainsi, c’est le critère scientifique qui nous a principalement guidé. Il fallait que l’intervention soit novatrice dans ce qu’elle apportait par rapport à l’état de la recherche et que l’apport soit argumenté et solide sur le plan scientifique. »

FdD Per Fumum : Quels sont les grands thèmes abordés dans cet ouvrage ?

A.CM : « L’ouvrage est structuré de façon chronologique en quatre grandes parties, allant de la Renaissance jusqu’à l’époque actuelle. À l’intérieur de ces parties, plusieurs thèmes principaux sont abordés de manière récurrente. Le thème majeur est évidemment l’évolution de la figure du parfumeur depuis la Renaissance jusqu’à aujourd’hui. Cela inclut l’évolution du métier, le changement de ses liens avec d’autres professions au fil des siècles. Par exemple, les parfumeurs entretenaient des relations plus ou moins étroites avec les apothicaires, les chimistes ou encore les botanistes, et ces liens ont contribué à l’autonomie et à l’indépendance de leur métier. Ensuite, il y a des thèmes plus spécifiques et parfois sulfureux. Nous abordons les liens entre les parfums et les poisons, ce qui concerne surtout le 16e siècle. Il y a également un article sur les relations entre la parfumerie et la prostitution, particulièrement au 19e siècle. Cependant, l’axe majeur reste l’évolution du métier de parfumeur et la manière dont on en est arrivé à la figure actuelle, très construite et clairement définie sur le plan identitaire, du parfumeur contemporain. »

FdD Per Fumum : Comment pensez-vous que cet ouvrage permettra de saisir l’évolution de la figure du parfumeur depuis sa création à l’époque de la Renaissance ?

A.CM : « Tout d’abord, je pense que son intérêt principal réside dans le fait que c’est le premier livre qui s’intéresse spécifiquement à la figure du parfumeur. Jusqu’à présent, il existe des ouvrages qui traitent de la parfumerie et des parfums, mais pas directement du parfumeur. Donc, c’est la nouveauté de cet ouvrage en lui-même. L’intérêt aussi, est que nous avons cherché à cerner cette figure sous toutes ses facettes pour avoir un portrait le plus riche possible du parfumeur.

L’autre originalité importante est que nous avons inclus deux entretiens avec des parfumeurs actuels. Cela apporte une grande nouveauté dans ce type d’ouvrage. Nous avons voulu faire dialoguer à la fois les spécialistes du sujet, c’est-à-dire des historiens, des historiens de l’art, des littéraires, et des parfumeurs contemporains. L’idée était de créer un dialogue entre les chercheurs et les représentants du métier aujourd’hui, pour montrer que la recherche et le métier ne sont pas deux mondes séparés, mais qu’il existe un lien vivant entre le passé et le présent.

Je pense que c’est ce qui rend cet ouvrage si intéressant, non seulement pour les chercheurs, mais aussi pour le grand public. Il en fait un ouvrage concret, pertinent pour la société d’aujourd’hui, et accessible à tous. »

FdD Per Fumum : Quelles sont les grandes étapes pour la réalisation d’un ouvrage tel que celui-ci ?

A.CM : « Elles sont nombreuses. D’abord, il a fallu réunir les textes, ce qui a pris du temps parce que chaque chercheur a ses propres activités. Après un colloque, récupérer les textes des interventions peut parfois être long. Ensuite, il y a eu de nombreux échanges avec les auteurs pour apporter certaines modifications ou clarifications.

Puis, il y a eu un travail de restructuration du plan de l’ouvrage. Il ne correspond pas au déroulement du colloque, pour des raisons pratiques. Lors d’un colloque, on doit respecter des pauses et regrouper des intervenants par thème, alors que pour un ouvrage, on a plus de liberté pour organiser les choses. Donc, un travail de structuration du plan a été nécessaire.

Ensuite, nous avons dû choisir les éditeurs qui nous intéressaient. Nous avons choisi les Presses Universitaires de Rennes principalement pour leur sérieux scientifique. Nous avons soumis le manuscrit et reçu un retour positif, mais avec quelques modifications à apporter. Cela a entraîné de nouveaux échanges avec les auteurs pour ajuster leurs textes. Il y a également eu un travail de traduction, car nous avions quatre textes en anglais. L’éditeur nous a demandé de traduire ces textes pour que l’ouvrage soit plus accessible au grand public francophone. Un autre aspect important a été le travail iconographique. L’éditeur nous a permis d’inclure un certain nombre d’images, ce qui a ajouté une dimension visuelle intéressante à l’ouvrage. Il a donc fallu sélectionner et intégrer ces images.

Également, il y a eu le travail de mise en page. L’éditeur ne s’occupant pas, cela a été la responsabilité des directeurs de l’ouvrage, Érika et moi. Nous avons dû mettre le texte aux normes typographiques et veiller à l’homogénéité des notes de bas de page et des textes envoyés par chaque auteur.

Une fois tout cela fait, nous avons renvoyé le manuscrit finalisé à l’éditeur. Actuellement, il ne manque plus que la traduction d’un seul texte, donc le manuscrit est presque terminé. C’est un travail assez lourd et chronophage, mais essentiel pour garantir la qualité et la cohérence de l’ouvrage. »

FdD Per Fumum : Quelle est la durée de réalisation d’un projet de cette envergure ?

A.CM : « La première étape, si on considère que c’est le moment où le colloque a eu lieu, c’était en octobre 2021. Je crois qu’environ deux mois après le colloque, nous avons recontacté les intervenants pour leur dire que nous allions éditer un ouvrage et leur demander d’envoyer leurs textes. Nous leur avons imposé une date limite, qui était en juin 2022, pour nous envoyer leurs textes. Certaines personnes ont respecté cette date, d’autres ont pris plus de temps.

Ensuite, tout le travail de rédaction et de mise en page a débuté. Érika et moi avons réellement commencé à nous occuper de l’ouvrage début 2022. Donc, cela fait environ deux ans et demi que nous travaillons sur ce projet. L’ouvrage fera environ 300 pages, selon le format de notre éditeur.

Pour les iconographies, ce sont Érika et moi qui nous sommes occupées de tout. Les auteurs ont envoyé leurs images, mais il était de notre responsabilité de vérifier leur qualité. Nous avons également dû faire tout le travail d’annotation pour préciser les droits des images. Par exemple, lorsqu’un auteur mentionne un tableau, il ne fournit pas toujours toutes les informations nécessaires, comme la provenance, les dimensions, etc. Nous avons dû rechercher ces informations pour nous conformer aux normes de notre éditeur. Ce travail a été très fastidieux, mais essentiel pour la qualité de l’ouvrage. »


En savoir plus sur la publication des actes du colloque sur la figure du parfumeur ici. Ne manquez pas de suivre l’actualité du projet sur le site www.fondsperfumum.org

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