Le Groupement de Recherche O3 – Odorant, Odeur, Olfaction (GDR O3) – est un réseau scientifique créé en 2015 sous l’égide du CNRS, rassemblant des chercheurs de multiples disciplines autour de l’étude des odeurs et de l’olfaction. Son congrès annuel, qui réunit des experts en chimie, biologie, neurosciences, sciences humaines et industrie, a pour but de favoriser les échanges et l’innovation.
Fonds de Dotation Per Fumum : “Nathalie, pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre rôle dans le GDRO3, s’il vous plaît ?”
Nathalie Mandairon : “Je suis directrice de recherche au CNRS et je co-dirige, avec Moustafa Bensafi, une équipe au Centre de recherche en neurosciences de Lyon appelée Neuropop, qui se concentre sur la neuroplasticité de la perception olfactive. En tant que chercheuse en neurosciences, je m’intéresse aux bases neurales de la perception des odeurs. J’ai également pris la direction de ce groupement de recherche, une mission que je trouve passionnante. Mon rôle consiste à coordonner et à faciliter les interactions entre les chercheurs intéressés par le vaste monde des odeurs. Ce groupe regroupe des chimistes, des neurobiologistes, ainsi que des spécialistes en sciences humaines et en physiologie végétale. L’objectif est de créer des occasions de discussion et de collaboration pour développer des projets interdisciplinaires, tout en intégrant le monde de l’industrie et la valorisation des recherches. Nous souhaitons également vulgariser cette science pour qu’elle soit accessible à tous.”
Fonds de Dotation Per Fumum : “Quel est l’enjeu de cette édition 2024 ?”
Nathalie Mandairon : “La nouveauté par rapport aux éditions précédentes réside dans l’intégration d’une masterclass avant le programme classique du GDRO, qui comprend des conférences. Avec le cadre spécifique de Nice, les masterclass ont porté sur le monde des parfums. Nous avons posé les bases en faisant intervenir des experts comme Xavier Fernandez, un chimiste, ainsi qu’une parfumeuse et moi-même en tant que neurobiologiste. Cela a permis aux étudiants et aux chercheurs intéressés d’acquérir les connaissances nécessaires pour comprendre la perception des parfums et leur création, en abordant à la fois les aspects scientifiques et appliqués.”
Fonds de Dotation Per Fumum : “Comment ces journées ont-elles évolué depuis leur création en 2015 ?”
Nathalie Mandairon : “Ces journées ont beaucoup évolué. Quand j’ai pris la direction, il était essentiel pour moi de renforcer le caractère pluridisciplinaire du GDRO par rapport à d’autres groupements mis en place par le CNRS. Nous devons nous assurer que les chimistes puissent comprendre les neurobiologistes et vice versa. J’ai donc mis en place des sessions courtes, alternant les disciplines pour que personne ne se sente perdu. Nous avons veillé à ce que tout le monde puisse suivre et trouver de l’intérêt dans les discussions, même s’il ne s’agit pas d’une vulgarisation complète. Nous souhaitons également impliquer davantage les jeunes chercheurs, qu’ils soient doctorants ou post-doctorants, en leur offrant des occasions de présenter leurs recherches de manière active, plutôt que simplement par des posters.”
Fonds de Dotation Per Fumum : “Vous êtes là depuis le début ?”
Nathalie Mandairon : “Oui, j’étais présente dès 2015, d’abord dans un rôle scientifique, puis j’ai été appelée à co-diriger et ensuite à prendre la direction du GDRO.”
Fonds de Dotation Per Fumum : “Quels défis le GDRO3 doit-il relever aujourd’hui ?”
Nathalie Mandairon : “Nous faisons face à des défis financiers, car le CNRS a décidé de ne plus soutenir financièrement le groupement après deux mandats. Cela signifie que nous devons désormais nous structurer et trouver nous-mêmes les financements pour organiser ces journées et réunir nos membres. Nous avons également des défis positifs, comme permettre aux chercheurs de se réunir pour développer de nouveaux projets et améliorer la communication, notamment après les crises liées à la COVID-19.”
Fonds de Dotation Per Fumum : “Quelles sont les thématiques émergentes dans le domaine de la recherche olfactive ?”
Nathalie Mandairon : “C’est une question vaste ! Lors des récentes journées, la conférence de Raj Gurdon sur l’alimentation a été particulièrement marquante. Il a souligné l’importance de la recherche en olfaction dans le cadre des pathologies liées à l’obésité et au diabète. Cela fait écho à mes propres recherches sur la perception des odeurs agréables et désagréables, et comment cette perception peut être altérée. Je collabore également avec l’hôpital psychiatrique de Lyon pour étudier l’impact de la dépression sur la perception olfactive.”
Fonds de Dotation Per Fumum : “Avez-vous des exemples d’applications industrielles ou médicales issues de ces recherches ?”
Nathalie Mandairon : “Pour les dernières réunions, il est peut-être encore trop tôt pour le dire, mais il y a des interactions entre chercheurs et industriels. Par exemple, nous avons eu un contrat avec un industriel en Rhône-Alpes pour un projet spécifique. Nous organisons également des sessions où les chercheurs présentent leurs travaux aux industriels, ce qui permet de favoriser les collaborations. Cependant, il est essentiel de respecter la confidentialité, donc je ne suis pas toujours informée de tous les contrats conclus.”
Fonds de Dotation Per Fumum : “Avez-vous remarqué une bonne représentation des différents groupes de chercheurs lors des séminaires ?”
Nathalie Mandairon : “Oui, lors de ce séminaire, nous avons réussi à représenter plusieurs disciplines, notamment la neurobiologie, la chimie et les sciences humaines. Les sessions étudiantes ont également permis d’élargir notre audience. Nous nous efforçons de tourner ces journées dans différentes villes pour en assurer une large représentation.”
Fonds de Dotation Per Fumum : “Quelles sont vos impressions générales sur ce séminaire ?”
Nathalie Mandairon : “Les retours ont été très positifs. Les participants ont appris beaucoup de choses, et la masterclass a permis de rafraîchir les bases en neurosciences olfactives. Je pense qu’il serait bénéfique de continuer à organiser ce type de masterclass régulièrement, car cela renforce la culture scientifique.”
Fonds de Dotation Per Fumum : “Alors, pour finir, en quoi le soutien du fonds Perfumum est-il précieux pour le GDR3 ?”
Nathalie Mandairon : “C’est tellement précieux. Cela permet à ces journées de vivre et de se réaliser. C’est une excellente nouvelle pour le GDR de pouvoir l’organiser dans ces conditions-là. Pour nous, vraiment, un grand merci. Cela a permis que cela se fasse. Après, on sait très bien qu’on avait la possibilité de faire payer les gens. C’était une solution que souvent les GDR choisissent. Mais on connaît les conséquences que cela a : il y a moins d’étudiants qui viennent parce que c’est trop cher pour les laboratoires. Cela entraîne également une participation beaucoup moins importante. On ne retrouve plus du tout les mêmes interactions, et on perd toute la richesse du GDR si nous devons faire face à ces contraintes financières.”